J’ai retrouvé dans mes archives de reporter cette interview de la star mondiale de reggae Tiken Jah. Je reste marqué par la convivialité de cette entrevue dans un hôtel du quartier marchand de Cadjehoun en juin 2010 à Cotonou. J’avais témoigné mon admiration au natif d’Odienné, ville du nord-ouest ivoirien où j’ai passé dix années de ma vie. Adolescent, je voyais le grand-frère Doumbia Moussa (le nom à l’état civil de Tiken) faire ses footings les soirs, s’échiner à des exercices de voix et jouer au maracana au Stade Mamadou Coulibaly situé à 200 m de notre cour familiale que mon père instituteur a bâti dans la capitale du Kabadougou. Tiken Jah écoulait ses cassettes lui-même avant et après ses concerts à l’hôtel Campement au centre-ville.

Au-delà de ce parcours de vie forgé à l’enclume de la persévérance, ce sont les messages qu’il a véhiculés en 30 ans de passion qui frappent . Par exemple dans cette interview de 2010, il appelait à « une révolution intelligente sans violence » de la jeunesse africaine. Bien avant lui, son aîné Alpha Blondy (lui aussi enfant d’Odienné) avait semé la graine d’une Afrique libre. Sur l’album « Yitzhak Rabin » de 1997, il lançait:  » Armée française, allez-vous en de chez nous. Nous ne voulons plus d’indépendance sous haute surveillance. Nous sommes des Etats indépendants et souverains. Votre présence militaire entame notre souveraineté, confisque notre intégrité, bafoue notre dignité. Et ça, ça ne peux plus durer, alors allez-vous en! ».

On peut tout reprocher à ces deux icônes du reggae mondial. Tiken Jah détient certainement des secrets de la rébellion ivoirienne de 2002 quand il était réfugié au Mali. Son mutisme jusqu’à un passé récent sur les dérives de la coalition au pouvoir a été gênant. On critique un Alpha Blondy ramolli par des positions très variables selon son humeur. Pourtant ces deux fils d’Odienné ont fait leur part de job. D’ailleurs, Blondy a pris la parole il y a quelques mois pour fustiger l’intervention militaire préconisée par la CEDEAO visant le rétablissement du président nigérien déchu. Tiken a salué récemment la mise en place de l’Alliance des Etats du Sahel.

On est en droit d’attendre plus d’eux, surtout qu’à des moments critiques de l’histoire de leur pays, ils ont ouvertement pris position. Dans cette interview de 2010, Tiken disait que le peuple ivoirien était pris en otage et qu’il ne voyait pas ce qu’il fallait attendre de Gbagbo après 10 ans de pouvoir. Mais rappelons-nous qu’ils ne sont ni militaires ni activistes politiques. Ils parlent pour attiser le feu de l’éveil des consciences, carburant de la marche des peuples vers leur destinée de Liberté.

Sûrement que Tiken Jah et Alpha Blondy comptaient parmi leurs mélomanes le pensionnaire du prytanée militaire de Kati devenu Colonel Goïta ou encore le bachelier de 2006, ancien pensionnaire de l’Académie militaire Georges Namoano, devenu Capitaine Traoré.

A chaque génération sa mission !

Zran Fidèle GOULYZIA

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Docteur en Droit international - Ecrivain - Journaliste