En février 2014 à Brazzaville, le temps d’une interview, j’ai pu apprécier le bagout, la clairvoyance et la capacité de persuasion de Dominique Laffont, à l’époque patron de Bolloré Africa Logistic (passé depuis deux ans chez le géant américain du capital-investissement KKR). Le manager français réaffirmait à mon micro la disponibilité de Bolloré aux côtés des autorités congolaises pour le maillage infrastructurel du pays. Notamment dans le cadre de l’aménagement du terminal à conteneurs de Pointe-noire. Deux ans en arrière à l’occasion d’un reportage dans l’enceinte du Port autonome de Pointe-Noire, j’avais pu toucher du doigt la compétence opérationnelle de Bolloré forte de sa quinzaine de représentations sur le continent africain.

Mais ce qui m’a le plus impressionné, c’est la capacité de certaines entreprises françaises à user de diplomatie économique pour donner écho à leurs tractations, en faisant passer en priorité leurs intérêts dans les plus hautes sphères de décision de l’Etat français; faisant de leurs marchés sur le continent africain ou de leur position de monopole, des affaires d’Etat qui justifient une politique interventionniste de ceux qui détiennent les manettes de l’Etat.

Cas d’école: la question du métro abidjanais dont le financement a été bouclé avec une curieuse célérité. En juillet dernier,  2,1 milliards d’euros accordés à la Côte d’Ivoire par la France (environ 1 394 milliards de franc CFA, étalés sur la période 2017-2020) dont 1,4 milliard d’euros (918,34 milliards de Fcfa), pour prioritairement le financement de la ligne 1 du projet de métro d’Abidjan qui cristallisait indéfiniment les discussions entre Abidjan et ses premiers partenaires.

Le choix du consortium franco-coréen conduit par Bouygues, s’apparente à un simple écran de fumée ! Pour contrer la propension systématique, excessive et improductive de l’opinion publique africaine (encline à condamner les monopoles français ostentatoires), travailler avec les Sud-Coréens sur le projet de trains urbains à Abidjan n’était pas une mauvaise idée.

Inutile donc de vociférer ou de produire une littérature critique chiffrée sur le sujet. Les exégètes de la question l’ont entériné. Le métro sera bientôt une réalité dans la capitale ivoirienne et Emmanuel Macron est attendu en novembre à Abidjan pour lancer en grandes pompes les travaux, aux côtés de son homologue ivoirien Alassane Ouattara.

On est loin de cette approche ubuesque qu’avaient de nombreux Ivoiriens du métro mis en avant en 2000 au cours de la campagne pour la présidentielle par l’ex-fonctionnaire international Nicolas Dioulo.

Comment ne pas applaudir à tout rompre cette avancée probante dans le transport public urbain:  37,9 km de rails pour une capacité 300 000 passagers par jour . Bon à prendre pour une capitale ivoirienne qui compte aujourd’hui  5 millions d’habitants.

L’accaparement du plan lagunaire par des opérateurs proches du pouvoir n’aurait pas  suffi à désengorger le transport urbain dans la capitale.

Pourquoi alors jouer les troubles-fêtes, chercher systématiquement la petite bête et s’attirer les foudres de tous les thuriféraires du régime d’Abidjan si allergiques à la critique de la gouvernance du président Ouattara? L’ivresse du surendettement est à une phase critique et irréversible. Chaque conclusion d’Eurobond sera saluée devant le poste récepteur de télévision. Buvons le calice jusqu’à la lie!

Réaction prosaïque présumée dans un « grin », ces terrasses traditionnelles que vous trouverez dans toutes les capitales ouest-africaines,  « Vous aussi, vous voyez le mal partout, laissez ADO travailler comme il l’a promis ! un train toutes les dix minutes à une vitesse maximale de 80Km/h, fonctionnant de 5h à 22h,  reliant Abobo-nord – Plateau en 20 mn,  ça fait quoi si c’est les Français qui font ça! vous aussi, arrêtez ça ohhhhh! » 

Ce n’est pas faux!  mais ce policier tué impunément par ces microbes que le blanchiment du langage a baptisé « enfants en conflit avec la loi » ne verra pas ce métro. Et même s’il était en vie, comme de nombreux Ivoiriens, pas sûr qu’il aurait penché pour cette « priorité » de l’heure.  Idem pour ces gendarmes attaqués à Songon, dans la périphérie d’Abidjan ou ces gardes pénitentiaires en butte à ces évasions spectaculaires. Le pays ne va pas bien. Le métro n’a jamais dit qu’il était là pour le soigner !

Trop de priorités se bousculent au portillon de la présidence.Mais trop de fronts  sociaux et politiques ouverts en même temps.A trois ans de son départ du pouvoir, le président Ouattara souhaite certainement rester dans la mémoire collective comme un grand bâtisseur.

Si c’est bien cela qui vous préoccupe, Monsieur le Président, alors donnez par exemple une implémentation d’envergure à l’Assurance maladie dont la phase pilote piétine. Je vous assure que chaque fois qu’une vieille femme, un enfant, un vieillard sera soigné gratuitement ou presque à Kong, à Odienné, à Man, Duékoué, Bouaké ou Abengourou,  il vous sera reconnaissant à vie. Juste une proposition pour une sortie par la grande porte, si vous le voulez bien !

Zran Fidèle GOULYZIA

About Zran Fidèle GOULYZIA

administrator
Docteur en Droit international - Ecrivain - Journaliste

Laisser un commentaire