Excellente fête nationale à mes frères et sœurs

Si vous fréquentez un Congolais de Brazzaville, ne vous empressez pas de juger son style de vie, cocktail corsé de dandysme et d’épicurisme. Il est plus adepte du stoïcisme que vous ne l’imaginez. Ce à quoi il aspire aujourd’hui, c’est la paix et la tranquillité pour lui et ses proches. Il s’est égosillé. Il s’est vidé. Il est usé. Il connait le diagnostic du mal qui ronge son pays. Mais il préfère voir désormais le verre à moitié plein. Son pays a presque tout traversé. Une révolution d’inspiration marxiste-léniniste sous l’inégalable Marien Ngouabi, une guerre du pétrole entre ninjas et cobras, une reconstruction vers « un chemin d’avenir » tracé par la figure tutélaire depuis quarante ans: Sassou Nguesso.

Quand il vous offre une bière dans un quartier sud de Brazzaville pour noyer sa résignation, il s’assure qu’une oreille indiscrète ne l’écoute pas dire des choses peu évangéliques sur la seule intelligence familiale et clanique qui régente la vie de six millions de Congolais. Assurément, la figure tutélaire d’Oyo détient la science du pouvoir. Le Parti congolais du Travail, puissant parti au pouvoir, fait et défait les carrières. Sassou est un bâtisseur. Il ne faut pas être hypocrite. Le maillage infrastructurel a transfiguré plusieurs régions grâce à la très pragmatique politique de la municipalisation accélérée. L’utilité de certaines réalisations est à discuter et leur coût reste une énigme, après l’euphorie des célébrations tournantes des fêtes nationales.

Pourtant les visages de la pauvreté se promènent encore à Makélékélé et Poto-Poto. Les pauvres, il en existe partout ! La formule pour se consoler de l’insolente et inégale répartition de la richesse nationale. Le Congo, c’est officiellement 350.000 barils de pétrole par jour, six millions d’habitants sur 342.000 km2 (60% du territoire couverts par la forêt équatoriale, le bassin du Congo étant le deuxième poumon vert au monde après l’Amazonie). Je me plains de la pauvreté en Côte d’Ivoire qui compte pourtant 30 millions d’habitants sur 20 mille km2 de moins que le Congo. Qu’est-ce qui empêche alors le Congo d’écraser tous les îlots de pauvreté au sein d’une population de juste six millions d’habitants ?

A Brazzaville, ne parlez surtout pas de succession ! C’est tabou. Sassou Nguesso a mis sous l’éteignoir tous ses opposants. Le plus charismatique, le général Jean-Marie Mokoko, croupit en prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat depuis 2016. Même dans le Pool et à Pointe-Noire, régions traditionnellement hostiles au natif d’Edou, on imagine difficilement un passage de témoin en dehors d’une dévolution monarchique ou de rivalités internes que transcendera in fine l’intérêt supérieur du clan.

Mais ne parlons pas de choses qui peuvent fâcher. Ne gâchons pas la fête. Madame, une primus bien glacée s’il vous plaît ! Mon poisson salé, il est prêt ?
Congo elengi ! Lipanda na bino ehh !

Zran Fidèle GOULYZIA

About Zran Fidèle GOULYZIA

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Docteur en Droit international - Ecrivain - Journaliste