Depuis qu’Antoine Glaser a cédé la rédaction en chef de La Lettre du Continent à son compatriote français Frédéric Lejeal, j’avoue que j’ai du mal à suivre régulièrement les confidences croustillantes des arcanes des pouvoirs africains dont se délectent de nombreux abonnés et détracteurs des régimes en place. La raison est toute simple, je n’arrive pas à me défaire de l’idée que le canard « crypté » est une officine obscure de la toute puissante DGSE. Mais là n’est pas la question! La crédibilité des informations de première main que La Lettre du continent livre est rarement mise en cause. C’est l’interprétation en découlant qui est source de polémique.
Tenez cette information relayée abondamment sur les réseaux sociaux relative au budget de souveraineté du président ivoirien Alassane Ouattara qui a littéralement explosé depuis sa prise de pouvoir.
A Abidjan et au sein de la diaspora proche du président ivoirien, la critique frontale du régime ne plaît pas toujours. La critique et la contradiction pourtant des postulats dans toute démocratie. Mais celle imposée en Côte d’Ivoire à l’arme lourde depuis le 11 avril 2011, semble déroger à la règle. Il ne faut s’attendre non plus à ce que la société civile ivoirienne s’empare de cette thématique. Elle est engluée voire tétanisée par la perspective électorale de 2020. Pourtant Alassane Ouattara prête facilement le flanc à la critique, dans sa gouvernance économique: croissance économique portée par des investissements publics engloutis par des multinationales en l’occurrence les BB (Bouygues, Bolloré) au détriment des PME, explosion de la dette extérieure sous le prétexte d’une excellence signature de l’Etat ivoirien, marchés de gré à gré, enrichissement boulimique du premier cercle d’hommes d’affaires proches du régime.
Mais il faut concéder un fait au président ivoirien: il n’y a rien de nouveau sous le ciel éburnéen. Ces pratiques ne datent pas de lui. Sous Bédié et Gbagbo, elles existaient. Mais le scandale, c’est que sa gouvernance les a amplifiées. Et la critique est dure envers l’ancien directeur adjoint du FMI d’autant plus qu’on attendait franchement mieux du technocrate de haut vol qu’il est, lui qui, durant toute sa prestigieuse carrière, a été appelé au chevet d’économies exsangues.
Les époques ont certes changé. Le contexte de gouvernance d’Henri Konan Bédié au lendemain de la dévaluation du FCFA n’est pas celui de Laurent Gbagbo dans une Côte d’Ivoire divisée en deux, après un coup d’Etat manqué mué en rébellion armée.
Si le budget de souveraineté de la présidence ivoirienne a explosé, cela peut bien s’expliquer, le budget national lui-même ayant connu une embellie exponentielle que la morosité de la dernière campagne du cacao est venue brouiller.
Qu’à cela ne tienne! au lendemain de sa réélection sans surprise en 2015, le président ivoirien avait annoncé un deuxième mandat éminemment social. Sur ce terrain, bon nombre de ses compatriotes l’attendent toujours. Si puiser dans ces 342 milliards de FCFA qui échappent au contrôle de la Cour des comptes, peut donner un visage social à cette gouvernance ultra- libérale, alors tant mieux! En fait, au pays d’Houphouet Boigny, la réédition des comptes n’est pas la chose la mieux partagée chez les gouvernants. En attendant le vote des bêtes sauvages…, on doit s’y faire !