Il aurait eu 100 ans aujourd’hui s’il était encore de ce monde. Le héros de la lutte anti-apartheid, Nelson Mandela, aura droit en ce 18 juillet consacré par l’Unesco depuis 2009 « Mandela Day », à une avalanche d’éloges. Il le mérite bien Madiba. Un mandat unique, après 27 ans de privation de liberté et d’humiliation, la force du pardon, une justice transitionnelle réussie avec à la clé la réconciliation entre Noirs et Blancs. Sa force de caractère lui aura permis de se hisser à jamais au panthéon des figures emblématiques de l’Histoire de l’humanité.
Seulement voilà ! Comme de nombreux historiens, je continue à me demander pourquoi le monde occidental voue une admiration légendaire à celui dont l’organisation était considérée comme une organisation terroriste au début de sa lutte?
Dans une interview accordée à Jeune Afrique à Yamoussoukro, avant le premier tour de la présidentielle d’octobre 2010, le président ivoirien, historien de formation, avait fourni une réponse qui m’avait paru arrogante mais qui me semble aujourd’hui d’une lucidité aseptisée de toute passion partisane.
A l’analyse, tout se trouve dans les non-dits des négociations de l’ANC avec le régime De Klerk et les acquis préservés de l’oligarchie blanche. Mandela a du certainement lâcher du lest car lesdits accords manquent de transparence dans la répartition équitable des richesses nationales prises aux Noirs. Et si Jacob Zuma, l’héritier qui a déchanté, a du faire face 20 ans plus tard à cette grogne sociale grandissante incarnée par les dissidents de l’EFF de Julius Malema, c’est bien parce que la question économique est restée tabou. Et l’actuel président, Cyril Ramaphosa, témoin de ces âpres négociations en sait beaucoup; lui qui s’était éloigné de la politique après son revers électoral contre Thabo Mbeki pour justement apporter cette réplique noire au monde des affaires dominé par les Blancs.
C’est peut-être pourquoi sur la même question du transfert des richesses aux Noirs, on se bornera à célébrer le Sud-Africain Mandela pour le symbole et on accablera de tous les épithètes dévalorisants le Zimbabwéen Mugabe, héros de l’indépendance (avant bien sûr que la sénilité ne le perde).On l’aura compris (en tout cas moi personnellement), c’est une règle élémentaire de l’Histoire contée par le Chasseur.