« Un lecteur de #TchapaloTango m’a fait observer que Kluiklui-land, le pays imaginaire décrit dans le roman, ressemblait étrangement au Bénin. Fort possible ! Aucune oeuvre romanesque ne naît ex-nihilo. A l’occasion de la 60è fête nationale du Bénin, je vous livre ce texte (un peu long) pour expliquer pourquoi j’aime la terre de Gbéhanzin. Et puisqu’on écrit pour la postérité, ces passages pourraient bien se retrouver un jour dans une oeuvre autobiographique….😉😉
En janvier 2010, quand j’arrivais à Cotonou pour le compte d’une agence de presse, je ne m’imaginais pas écrire les plus belles pages de ma vie de journaliste au pays du sodabi et du kluiklui. Dans mon pays, je sortais de deux cuisants échecs dans des castings à Radio Côte d’Ivoire en 2007 et dans la plus grande radio commerciale de l’époque, Radio Nostalgie, en 2008.
Récit d’une randonnée médiatique personnelle qui, je l’espère, ne sera pas ennuyant.
Faire ce que mon potentiel et ma passion me dictaient
Jusqu’en 2006, alors que j’étais inscrit en première année de thèse en droit international, j’avais le sentiment de n’être pas entré dans « ma propre Histoire ». Les études de Droit me réussissaient, mais c’était surtout pour faire plaisir à mon père défunt. En janvier 1998, trois semaines avant son décès accidentel, il avait voulu savoir ce que je voulais faire après le bac. Je lui avais répondu « journaliste ».J’avais senti une pointe de déception sur son visage.Lui me voyait magistrat ou diplomate.Mon bac littéraire, je l’ai obtenu en juillet 1998 avec la mention bien (296 points soit 14,75 de moyenne). Après mon échec au deuxième tour du concours de la prestigieuse école de commerce INSET, j’étais contraint de faire le droit. Je ne regrette pas mon parcours.Il a , bien au contraire, enrichi ma stature intellectuelle. Mais en 2006, je voulais faire autre chose. Déjà en 2005, grâce à un ami animateur Marcel Tansiar, j’animais une tranche horaire de jazz sur une radio de proximité Radio Amitié, dans mon quartier Yopougon (quartier populaire d’Abidjan). J’enregistrais mes émissions que je faisais écouter à des professionnels ou puristes comme feu Camara Mourané de Radio Côte d’Ivoire ou feu Gustave Guiraud (bassiste de charme connu des milieux de jazz en Côte d’Ivoire). En 2006, j’avais acquis des galons au sein de la radio; de la lecture de communiqués, j’étais passé à l’animation de magazines de musiques dans l’après-midi. Puis en août 2006, j’avais pris les commandes des matinales de la radio pendant six mois.
De la radio à l’agence de presse
Avec mon nom à l’antenne « Fidèle Goolyz, le montagnard de la 18ème », j’avais réussi à fidéliser du lundi au mercredi l’audimat les matins de 6h à 9h, avec en prime l’animation d’un jeu interactif après 9h. Mais très vite, une faute lourde allait me faire éjecter de ma position. Ayant eu vent d’un casting à la rédaction de Radio Côte d’Ivoire, j’avais abandonné l’antenne un lundi matin, juste après l’émission matinale. Le responsable d’antenne avait essayé de me couvrir mais l’information était déjà arrivée aux oreilles du DG. Homme de rigueur et de principe, mon DG, à l’époque, m’avait exigé une demande d’explication, en me glissant « bon vent à Radio Côte d’Ivoire ».La médiation de mes collègues n’avait rien changé à la décision de la Direction.
Ce fameux casting à Radio Côte d’Ivoire !
La chaîne nationale voulait étoffer sa rédaction de nouvelles voix. Ce jour là, une trentaine de candidats venus des radios de proximité d’Abidjan, des banlieues et de l’intérieur du pays se bousculaient aux portes de la Maison bleue du Plateau (quartier des affaires de la capitale économique ivoirienne) , sous la férule de feu Emmanuel Goré Bi Ta, chargé du casting. Finalement, sept personnes avaient été retenues. La Direction avait décidé de lancer dans le bain trois jeunes journalistes.J’étais, comme trois autres, sur une liste d’attente. Mais la nomination de Brou Amessan sous le régime du président Gbagbo à la tête de la RTI allait changer la donne. En froid avec Eloi Oulaï, alors directeur de la radio nationale, le nouveau directeur n’a jamais reconnu le casting qui avait entretenu chez moi un espoir, puisque j’étais sur une liste d’attente.Les journalistes lancés dans le bain n’avaient jamais vu leur statut clarifié. J’avais décidé de me refaire une santé.J’ai proposé alors mes services à Radio Elit, une radio de proximité qui appartenait à un magnat du commerce du cacao. Très vite, j’avais réussi à me faire remarquer en tant que présentateur du bulletin d’informations. Un soir, un coup de fil, celui du chef d’antenne de Radio Nostalgie. Il me proposa de faire un essai le lendemain dans les studio de la radio commerciale: nouvelle opportunité, nouvel échec.Je n’étais vraiment pas doué pour les castings!
Un autre coup de massue, j’allais me faire interdire quelques mois après l’antenne de Radio Elit, suite à une altercation avec le responsable des programmes, pour une affaire de partage non équitable de sous liés à un contrat de partenariat que j’avais moi-même apporté à la radio.
Entre maîtrise de cérémonie, cours de droit à domicile pour étudiants en BTS et vente de garba ( plat populaire ivoirien fait de semoule de manioc et de thon frit) , je digérais stoïquement mes échecs.L’offre d’emploi d’une agence de presse allait relancer les choses.
La main tendue d’une agence de presse
C’est à Alerte Info que j’ai fais mes armes en tant que journaliste agencier. Crée par un jeune journaliste passé par l’AFP, Alerte Info était la première agence privée en Côte d’Ivoire à diffuser l’actualité par SMS. Six mois après avoir animé l’agence de San Pedro, le directeur m’avait confié la mission de renforcer l’agence de Cotonou. Début janvier 2010, je foule la terre béninoise avec un esprit conquérant. Le premier challenge pour moi, la couverture en février de l’élection présidentielle au Togo voisin. Une tâche accomplie avec succès. Mais très vite, les premiers couacs allaient surgir. Un dimanche soir, l’ordinateur principal du bureau avait disparu. Pour les besoins de l’enquête policière, la directrice de l’agence avait fait convoquer toute la rédaction au commissariat central de Cotonou.Je n’appréciais pas la tournure des événements qui tendaient à faire porter le chapeau à mon collègue béninois Anicet Tidjo; Fatigués d’attendre dans la cour du commissariat après un premier échange avec un inspecteur très zélé, Anicet et moi avions décidé d’aller couvrir une conférence de presse. Ce qui déplut à l’inspecteur.A notre retour, il ordonna de nous enfermer. Près de deux heures, en caleçon américain, au violon du commissariat de Cotonou pour une affaire de vol qui n’a jamais été élucidée.L’attitude de ma directrice de Cotonou et le mutisme de mon directeur général m’avaient choqué. Mais au violon, une franche fraternité était née entre Anicet et moi. J’avais pris ma décision: démissionner de l’agence de presse. J’étais sous contrat pour six mois renouvelables une fois. Je voulais anticiper et rendre ma décision fin juin. Ce que je fis. Sur ordre du directeur général, j’ai été vidé sans ménagement de l’agence qui tenait aussi lieu d’habitation. J’ai été recueilli par Anicet Tidjo et sa famille.
Six mois de disette pour faire de la télé
Sans revenu avec un dernier salaire de 70.000 FCFA (un peu plus de 100 euros) ponctionné injustement par la directrice, je ne voulais pas rentrer au pays. le Bénin était une opportunité. La libéralisation de la télé au pays de Mathieu Kérékou me donnait l’occasion de faire de la télé.Ce qui n’était pas possible dans mon pays. J’avais déjà déposé mon CV dans deux chaînes de télé : Canal 3 et LC2 Télévision.J’avais fait la rencontre au Centre culturel américain de Patrice Louis, journaliste-écrivain français, correspondant du journal Le Monde à Cotonou. Je lui avait fait voir une série de reportages que j’avais réalisés à Cotonou et Lomé. Formateur dans des écoles de journalisme à Cotonou, il avait trouvé mes articles intéressants et s’était proposé de devenir mon coach personnel pour forger ma plume. Deux fois par semaines, à taxi-moto, je me rendais chez lui à l’autre bout de la ville, pour apprendre de lui. Il avait un jour appelé une réalisatrice de LC2, Elvire Boco, pour lui faire part du désir ardent d’un jeune journaliste de faire partie de la Rédaction de la prestigieuse télé privée. Mais les jours passaient et rien ne changeait. Je commençais à désespérer. Le deuxième tour de la présidentielle ivoirienne venait de s’achever. Et je voulais rentrer au pays. Pas bien grave si je ne devais pas faire la télé au Bénin. Alors que je ne m’attendais plus à rien, le 23 décembre 2010, un coup fil de la Direction de LC2 me signifia que j’étais retenu au sein de la Rédaction de la chaîne. je suis entré à la rédaction de LC2 à la mi-janvier 2011, après mon dernier article de presse consacré à la journée nationale des religions endogènes dans la cour du Roi d’Allada.
Long récit pour rendre hommage au pays qui a cru en moi et m’a donné ma chance. Pendant trois ans, d’Alada, à Abomey en passant par Bohicon, Porto-Novo, Fifadji, Cocotomey, Calavi, j’ai tissé mes plus belles amitiés dans le métier et dans la vie. Je n’oublierai jamais cette terre, cette terre farafinoise qui m’a tant donné. Je n’oublie pas ces belles amitiés gravées dans le marbre de ma mémoire, ces verres d’eau offerts par ces familles qui m’ont adopté. Je n’oublie pas les veillées sur un banc de montage, la pression de chef d’édition du JT ou de chroniqueur, la passion de reporter pour un scrutin présidentiel, un concert ou un reportage à chaud sur l’ambiance de la CAN. Merci pour cette belle école de la vie. Enatchênoué kaka ! Belle fête nationale »
« Ablodé kaka nonvitcha »