Un ami me demande avec insistance de commenter l’annonce du retrait avec « effet immédiat  » du Burkina, du Mali et du Niger de la CPI. Il s »attend à ce que j’embouche la trompette des experts médiatisés de l’audiovisuel extérieur français. Dans le style « recul intolérable, historique, décevant de l’État de droit… ». blablabla…. Il n’y a rien à commenter. Il faut juste en prendre acte et espérer que les juridictions nationales de ces pays assurent prioritairement la répression des crimes graves internationaux inscrits déjà dans le corpus juridique interne de ces États.
L’idée d’une justice pénale internationale, permanente, à vocation universelle, est une construction politico-juridique qui a pris corps, après les errements des procès de Nuremberg et Tokyo, pour donner le Statut de Rome de 1998.
La mise en jeu de la responsabilité pénale individuelle et la prise en compte des victimes sont des victoires indéniables de la justice internationale qui restent des acquis. Mais à la pratique, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. La perception de la CPI en tant qu’instrument des puissants reste prégnante.
Les liens suspects de Moreno Ocampo avec l’oligarchie néo-libérale et le lourd passif légué à Bensouda ont considérablement érodé sa crédibilité. Les seigneurs des crimes en treillis, reconvertis ou en activité, et ceux en costumes trois pièces, continuent de narguer l’impuissance du prétoire de La Haye à faire peser toute coercition sur un État.
Prenons l’exemple de la Côte d’Ivoire. La stratégie de poursuites du Bureau du Procureur, depuis 2012, est contre-productive. Pour ne citer que cette anecdote qui a frisé le ridicule, on a vu à La Haye un cadre du parti au pouvoir se présenter comme expert indépendant. « La faiblesse exceptionnelle » des preuves reprochée à Bensouda n’est pas fortuite.
Il faut des enquêtes sérieuses et de vrais témoins existent. Le Bureau de la CPI à Abidjan regorgeait de magistrats transfuges de juridictions nationales qui ont été pour certains au coeur de certaines instructions sensibles. Mais ce Bureau a manqué de moyens. Des missions touristiques de magistrats prétendument appelées enquêtes préliminaires ne peuvent satisfaire la soif de justice pour tous les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis de part et d’autre depuis 2002. Existe t-il encore des mandats sous scellés ? Si oui, la demande de levée de ces scellés aux juges de la Cour aurait été la chose la plus simple. À moins qu’on veuille marchander le sort des chefs de guerre dont les noms circulaient déjà sous le manteau. Tout cela ressemble bien à du Malo-Woussou politico-judiciaire. Tôt ou tard, l’imprescriptibilité des crimes internationaux entrant dans le champ de la compétence matérielle de la CPI parlera plus fort. Un jour. Un seul.

Zran Fidèle GOULYZIA

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Docteur en Droit international - Ecrivain - Journaliste