Depuis une dizaine de jours, j’ai des amis qui s’extasient devant la « franchise » et la « lucidité » de l’ancien patron de la diplomatie française sur le conflit à Gaza et la guerre en Ukraine.
Bien sûr que Monsieur de Villepin n’a rien perdu de son bagout plaisant.
Bien sûr qu’il développe dans l’interview des arguments imparables sur le déclin de l’occidentalisme et les contrariétés juridiques et politiques liées à la question palestinienne.
Bien sûr que dans ce ramassis d’hypocrisie médiatique, sa voix dissonante est rassurante pour l’humanité.
Bien sûr qu’il a une certaine légitimité à parler, lui l’ancien ministre des Affaires étrangères de la France chiraquienne qui avait dit non au mensonge de Bush fils dans sa guerre de « civilisation » contre l’Irak.
En tant que simple observateur je me dis que les gens sont vachement lucides quand ils ne sont plus aux affaires.
En novembre 2004, il était aux affaires quand la France a décidé de détruire au sol tous les aéronefs militaires ivoiriens. Le fait générateur à l’origine était le bombardement à Bouaké d’un camp militaire français par des pilotes biélorusses dans l’opération Dignité lancée par Abidjan pour reconquérir le Nord sous contrôle de la rébellion des Forces nouvelles – dénomination qui n’est guère étrangère à de Villepin. C’est un fait générateur flou, habilement orchestré qui a mis le feu aux poudres. La suite, on la connaît. Des snipers français – certainement des légionnaires – ont tiré sur des civils aux mains nues. L’affaire judiciaire mettant en cause Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie et Michel Barnier dans l’exfiltration des pilotes biélorusses à la frontière togolaise a fait pschitt. Près de 20 ans après, l’impunité des Opex françaises nargue encore la souffrance des victimes. Des centaines de familles ivoiriennes n’ont pas fait leur deuil. Les familles des neuf soldats français tués attendent toujours la vérité. Un cercle concentrique parisien l’a voulu ainsi. Les prises de position « lucides » du diplomate n’effaceront jamais ce passif ivoirien tronqué. Gratitude infinie tout de même Monsieur de Villepin pour votre lucidité d’après-coup !