C’est un astucieux tour de géopolitique que vient de réussir Denis Sassou Nguesso dans l’élection du nouveau président de l’Assemblée nationale congolaise, Isidore Mvouba.
Homme du sérail, l’ex- Premier ministre et député de Kidamba est parmi les plus fidèles compagnons de route du président congolais. Une fidélité dans les moments de disette politique de 1992- 1997, pendant la parenthèse Lissouba.
Ma seule rencontre avec lui remonte à août 2014 à la faveur de l’inauguration de la gare routière de Sibiti (à 320 km de la capitale Brazzaville), dans le sillage des festivités marquants le 54è anniversaire d’indépendance du Congo. Les caméras et flashs de photographes étaient focalisés sur le président Sassou et toute sa délégation. Les hôtes de marque se faisaient expliquer par les experts de la Délégation générale des grands travaux du ministre Jean Jacques Bouya le parcours des dix ans de la politique de développement local et infrastructurel baptisée « municipalisation accélérée ».
Mais une chose m’avait intrigué: le dignitaire du PCT s’était mis à l’écart (peut-être involontairement). Mais en tout cas, pour l’homme orchestre de la municipalisation accélérée qu’il avait été à ses premières heures, sa place était aux premiers rangs, sous les feux de la rampes. Il était assis seul au fond de la salle, sanglé dans un costume bleu royal, cheveux grisonnants, avec une élégance et un raffinement digne d’un dandy. Dans l’interview qu’il m’avait accordé, il était revenu sur le bilan de ce programme de développement local: « nous avons apporté beaucoup de béton à l’époque car il fallait reconstruire un pays qui sortait de guerre, aujourd’hui, la municipalisation accélérée doit avoir un visage économique en se portant sur la phase d’industrialisation » , avait-il indiqué dans une analyse limpide.
Mais à la réalité, Isidore Mvouba, à ce moment là, n’était plus vraiment le bras séculier de Sassou Nguesso comme il y avait dix ans. Certaines langues le présentaient même comme un « homme du passé ».
Isidore Mvouba revient sur le devant de la scène au moment où le Pool, sa région d’origine, fait face à une guérilla menée par le Pasteur Ntumi depuis les résultats contestés de la dernière présidentielle de mars 2016.
Pour bon nombre d’observateurs, l’Assemblée nationale congolaise s’apparente à une caisse de résonance du PCT, le parti au pouvoir. Mais une analyse personnalisée du microcosme politique permet de comprendre que l’ancien Premier ministre vient de retrouver une certaine jouvence politique perdue dans des postes ministériels de moindre importance.
Le président Sassou Nguesso joue la carte de la géopolitique en plaçant Isidore Mvouba à l’Assemblée nationale. Les premiers mots du nouveau président de l’Assemblée nationale vont dans ce sens:
« L’Assemblée nationale, qui entend jouer pleinement son rôle, se doit de prendre à bras le corps la situation sécuritaire du Pool où des Congolaises et des Congolais vivent dans la précarité », paroles du député de Kidamba.
Le régime de Brazzaville n’entend pas négocier avec le trublion Ntumi. Ce serait un affront pour la république, estime le président Sassou. Placer à l’Assemblée nationale un fils du Pool pourra t-il créer une sorte d’adhésion populaire au discours du président Sassou et mettre fin à la guerilla de Ntumi?
Pour sûr, Isidore Mvouba est face à l’Histoire. Sa remise en selle est un défi que son raffinement politique et sa tempérance peuvent aider à relever.