Ils sont admirables de courage ces citoyens togolais ordinaires, ces résistants dans la diaspora, dressés contre la forfaiture. Ils sont inscrits au panthéon de la marche démocratique ces morts de la manifestation du PNP de l’opposant Tikpi Atchadam, juste morts pour réclamer l’alternance pacifique par la voie des urnes.
Mon contact avec ce peuple togolais s’est fait en février 2010, à la faveur de la présidentielle.J’ai pu toucher à l’époque la vitalité des jeunesses militantes de l’UFC, du RPT ou du CAR. Dans le bouillant quartier Bê, les jeunes attendaient les résultats définitifs du scrutin, surtout ceux dans le Nord, étant sûrs de la victoire sans détails de l’UFC de Jean Pierre Fabre, « l’Obama togolais », à Lomé. La suite, on la connait: raz-de-marée de Faure Gnassingbé dans le Nord et militarisation de la ville de Lomé après la proclamation des résultats à Togo 2000, à l’extrême sortie de la ville; proclamation pilotée par un certain Pascale Bodjona, ministre de l’Administration territoriale.Une fois encore, l’Histoire venait d’être falsifiée.
Mais l’heure n’est pas à la poésie ou aux réminiscences improductives en République du Togo. L’heure n’est pas non plus à un appel à l’insurrection populaire. Le peuple togolais sait ce qu’il vit depuis plus de 50 ans. il n’attendra pas la beauté de plumes incisives, des communiqués de condamnation de chancelleries occidentales, des tractations syndicales de la CEDEAO ou de l’Union africaine pour prendre son destin en main. Ce peuple n’attendra pas non plus les figures tutélaires de l’opposition, elles mêmes résignées ou essoufflées, pour arracher son droit à la liberté. Ce peuple togolais n’est pas étonné par l’hypocrisie internationale et la langue de bois dont les milieux politiques africains et occidentaux usent quand ils évoquent la situation des droits de l’Homme ou des avancées démocratiques au pays de Faure Gnassingbé.
Où sont ces intellectuels et hommes politiques du Bénin voisin, prêts à être très critiques à l’endroit de la gestion de leur pays, mais qui se taisent quand on attend leur plume au vitriol dans le cas Faure Gnassingbé?
Où sont ces chefs d’Etats de la CEDEAO face à la barbarie des forces de l’ordre togolaises? Affaire intérieure, rien d’apocalyptique, placarde t-on !
En fait, il y a à manger et à boire dans ce lopin de terre encastré entre le Ghana et le Bénin.Le petit poucet Faure est très conciliant, peu bavard et pragmatique, moderne dans la tête. Tout le contraire de son géniteur ! On peut donc fermer les yeux sur ses dérives totalitaires car Faure Gnassingbé est en train de changer « durablement » (?) et « structurellement » (?) le visage du pays. Le crime de patronymie est certainement le seul à lui reproché devant « la cour d’assises » de l’Histoire du Togo.
Oui, depuis dix ans, il y a des changements notables au Togo sous la férule du fils Gnassingbé. Réformes économiques, infrastructurelles et numériques sont plaisantes à voir.Mais le visage hideux de la répression policière et militaire n’a pas subi de lifting, même si les bourreaux n’ont plus pour nom Eyadéma ou encore Assani Tidjani.
Confisquant les libertés individuelles et publiques, la plupart des dictateurs manipulent les droits économiques comme de l’opium pour le peuple, pour ne pas subir les foudres de sa révolte.Dans le cas du Togo, droits civils et politiques, droits économiques sont piétinés et ignorés.
Je tiens pour maxime politique pour le continent ce postulat:
Même avec l’aide de l’arsenal constitutionnel taillé sur mesure, tous ces fils de présidents héritiers d’une dévolution monarchique du pouvoir marqueront, d’une manière ou d’une autre, leur passage à la tête de leur pays. Mais il n’auront pas la longévité politique de leurs pères.
Faure Gnassingbé ne fera pas les 38 ans de son père Eyadéma. La conscience citoyenne du peuple togolais lui dictera en temps voulu, la retraite politique, même anticipée !