Ceux qui attendaient les phrases chocs de Philippe Mangou qui « tuent » sont bien servis depuis le deuxième jour de son audience à la Cour pénale internationale.L’ancien chef d’état-major des armées sous Laurent Gbagbo est un pur régal pour les oreilles ou d’une traîtrise affligeante (c’est selon le camp) pour ceux qui veulent reconstituer l’affreux puzzle de l’histoire politique récente du pays de la fève brune.Entre finesse d’équilibriste et loquacité parfois inutile, Phillipe Mangou n’a pas fini d’ouvrir des brèches jusque-là insoupçonnées.
« Mais pourquoi parle-t-il autant? », « un officier général ne dit pas ces choses-là », « un poltron qui a vendu son âme… » ou « encore merci mon Général, enfin la vérité va se savoir » ou « Vous allez désormais réfléchir par deux fois avant de donner votre poitrine pour un politicien ». Les avis sont partagés sur les réseaux sociaux et les forums de discussions sont incandescents d’empoignades interposées.
Ces brèches insoupçonnées que Mangou ouvre
On apprend de Mangou ce qui n’était pas vraiment un scoop pour les milieux informés ivoiriens; par exemple que Jacob Zuma et Eduardo Dos Santos avaient invité Laurent Gbagbo à démissionner. Emboîtant le pas aux soutiens de l’ancien président ivoirien sur le continent, Phillipe Mangou affirme avoir suggéré la même chose.Ce qui ,selon lui, serait la cause de son malheur et du désaveu humiliant d’un camp à qui il « aura tout donné » dix ans durant. La scène relatant son échange avec l’ex-directeur du protocole présidentiel est frappante. Mangou s’est senti humilié par le dernier cercle du président Gbagbo.Et quand il parle à la cour, il parle à ces personnes qui l’ont nargué, comme s’il était engagé dans un ultime défi pour l’honneur, pour laver l’affront de sa bravoure salie et jetée à la vindicte populaire d’une opinion bien souvent manipulée à souhait. C’est ce qui lui vaut ces envolées personnalisées que l’accusation interrompt constamment sans tact.
Philippe Mangou témoigne avoir même distingué une compagnie de mercenaires sous le commandement de l’aide de camp de l’ex-Première dame ivoirienne. Une piste que devrait explorer l’accusation dans le dossier ivoirien, si Fatou Bensouda, le veut bien!
La présence de mercenaires dans un conflit armé interne n’induit pas son internationalisation tant qu’il n’est pas prouvé que ces mercenaires agissent pour le compte d’un Etat national.
Depuis 2002, date du coup d’Etat manqué mué en rébellion armée, de nombreux juristes spécialistes du Droit international humanitaire postulent la thèse d’une internationalisation du conflit avec la présence de forces libériennes, sierra-léonaises ou burkinabé. Sur le terreau morbide de la crise postélectorale, plusieurs témoignages ont indexé des mercenaires sud-africains, angolais, maliens, nigériens, nigérians, sans administration de preuves accablantes.
Ce que de nombreux juristes ont salué ce mercredi matin (moi le premier), c’est la dénonciation ouverte du comportement de certaines troupes impartiales devant le massacre des forces loyalistes à Abobo. Phillipe Mangou s’est insurgé contre l’indifférence coupable des forces impartiales là où au nom des principes de la confraternité d’armes et du droit humanitaire, l’officier général ivoirien avait apporté son secours à des éléments du Bangladesh pris à partie par une horde de « jeunes patriotes » dans le quartier populaire de Yopougon.
D’actes de perfidie et de belligérance, les forces impartiales ont bien été acteurs dans la crise qui a endeuillé de nombreuses familles ivoiriennes. La question est : quel tribunal jugera ces infractions au droit international humanitaire hermétiquement fermées dans le placard des oublis et des sombres archives de l’ONU?
» C’est la deuxième armée de Côte d’Ivoire (et non les rebelles) qui a délogé Laurent Gbagbo », affirme Phillipe Mangou. Une affirmation qui a fait sursauter plus d’un mardi. Que fait alors Phillipe Mangou du rôle prééminent des super-gendarmes français du GIGN, dans la prise du bunker de Laurent Gbagbo?
Ces questions en suspend qui peuvent faire basculer le procès
Que disent les images de ces caissons de munitions découverts au palais présidentiel, là où paradoxalement le manque criant de munitions au front était l’une des plaies du système de défense ivoirien? En tout cas, Philippe Mangou a présenté ses excuses aux populations d’Abobo et Anokoi-Kouté pour ce grave manquement.
A qui faut-il alors imputer les massacres des forces de l’ordre et de civils à Abobo et Anokoua-Kouté?
La matérialité du massacre des sept femmes d’Abobo est-elle définitivement établie ou s’agissait-il d’une vaste campagne savamment orchestrée par les officines de l’opposition à l’époque pour corroborer l’idée que Laurent Gbagbo était bien ce fameux « boucher des lagunes » qu’on décrivait?
Et surtout, qui est responsable alors du massacre des sept femmes d’Abobo ayant conduit à la résolution 1723 autorisant l’intervention militaire directe de l’armée française et des forces Onusiennes pour protéger les civils?
La marche du 16 décembre organisée par l’opposition et visant la libération de la RTI avait-elle un caractère insurrectionnel?
Que dire du bombardement du marché Siaka Koné d’Abobo?
Philippe Mangou ,lui, a fait déjà amende honorable auprès du RHDP (principale coalition de l’opposition à l’époque) et a sa petite idée sur la question.
Mais les vidéos de propagande des jeunes patriotes conduits par Charles Blé Goudé, ses prises de paroles au stade champroux, sa longue diatribe contre Guillaume Soro lui suggérant d’être du côté de la vérité historique parlent encore contre lui.
Des éléments que la défense pourrait brandir contre lui pour l’acculer. Pour sûr, on n’est pas loin de l’étincelle qui fera jaillir la flamme de la Vérité.