« Le peuple ivoirien est pris en otage ». Le 5 juillet 2010, ce bout de phrase avait été repris par la presse proche de l’opposition ivoirienne à l’époque. La formule était tirée de mon interview à Cotonou avec la grosse star internationale Tiken Jah de passage au Bénin pour un concert. En face de Tiken Jah, ce jour-là, il y avait certes le frêle journaliste correspondant de l’agence de presse Alerte Info au Bénin. Mais également le jeune adolescent qui avait vu les débuts de la grosse star dans la cour familiale de Sokrourani (quartier populaire d’Odienné dans le nord-ouest ivoirien) et avait assisté à ses footings au stade Mamadou Coulibaly à quelques centaines de mètres de là où vivait ma famille. A Cotonou, j’avais été conquis par la verve oratoire de l’artiste. Verbe haut et fier. Son diagnostic sur l’état de la Côte d’Ivoire était vrai. Morceaux choisis:

« La classe politique a complètement échoué en Côte d’Ivoire et il faut un réveil des populations. On a essayé de jouer sur des histoires d’ethnie, de région alors que le problème ne se pose pas en Côte d’Ivoire. Le vrai problème en Côte d’Ivoire, les politiques sont incapables d’assurer l’avenir des enfants de ce pays. Nous sommes tous dans la même galère…Je ne vois pas ce que Gbagbo peut apporter à la Côte d’Ivoire après dix ans. Je ne comprends pas comment des gens puissent espérer quelque chose. Je ne sais pas par quelle magie, quelle équipe il va trouver pour changer les choses. Il faut que les Ivoiriens se fassent respecter »

« Je suis pour une révolution intelligente, pacifique, c’est-à-dire combattre les hommes politiques et nous faire respecter d’eux. Je ne demande pas de violence. Je ne demande pas de tout casser parce que tout est à construire. Il faut que les hommes politiques se rendent comptent que les mentalités ont changé en Afrique. »

Dix ans après en Côte d’Ivoire, on se retrouve dans un imbroglio politique qui commande des prises de positions frontales dans le principe du respect du jeu démocratique.

Quid de la révolution intelligente pacifique

« La révolution intelligente » à l’effet de se faire respecter des politiques viendra -t-elle? Rien n’est moins sûr. Après la fameuse révolution orange de Guillaume Soro en décembre 2010, les Ivoiriens ont-ils vraiment envie de retomber dans les travers d’une guerre civile?

Tiken Jah est certainement l’un des plus grands déçus de la gouvernance Ouattara. Il l’a déjà dit à maintes reprises notamment lors de la création du Sénat. Il ne faut pas compter sur lui pour prendre les devants d’une fatwa contre Ouattara. Ce qu’on lui reproche par contre, c’est sa réactivité à géométrie variable. Distributeur à souhait de mauvais points au Guinéen Alpha Condé obnubilé par un troisième mandat, il peut trouver des circonstances atténuantes à Ouattara. C’est peu de dire que son mutisme est gênant face à la dérive autocratique de l’ancien opposant historique dont il a endossé le combat.

Pourtant, c’est le moment d’avoir le verbe haut pour dire au président Ouattara qu’il s’engouffre dans une voie sans issue ou à tout le moins une voie avec une seule issue: l’humiliation par la petite porte de l’Histoire.

Le faire, ce n’est pas du militantisme virtuel creux et déplacé. C’est un simple rappel d’une jurisprudence opérante, tirée de faits têtus et opposable à ceux qui n’ont pas été enseignés par les leçons marécageuses d’un passé récent.

La formule jurisprudentielle dans une tchapalocratie (syndrome de l’ivresse du pouvoir) finissante tient tout son sens:

« Laisser le tchapalocrate danser le tango de sa propore déchéance jusqu’à la dernière note »

Fidèle Goulyzia, ancien journaliste reporter, auteur de #TchapaloTango, Editions Captiot, octobre 2010

Zran Fidèle GOULYZIA

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Docteur en Droit international - Ecrivain - Journaliste

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