Il n’y a aucune passion à commenter l’actualité ivoirienne depuis la validation de la forfaiture du 3è mandat d’Alassane Ouattara. Il faut passer à autre chose, conseille-t-on. Adopter une posture statique alors que le tchapalocrate consolide chaque jour son pouvoir, c’est de l’obstination stérile. Qu’il en soit ainsi ! Le vin est tiré ! Il faut le boire pour cinq ans encore!
Ce n’est pas vraiment ce que je pense en tant que citoyen ivoirien libre.
Quattara a vaincu ses opposants , pas les Ivoiriens
Ouattara a vaincu ses opposants. Le technocrate de haut vol dont on disait, il y a 30 ans, qu’il ne connaissait rien à la politique ivoirienne, a finalement démontré qu’il était plus habile qu’on ne le croyait. Il tient tous ses opposants . Les prochaines législatives lui permettront d’asseoir définitivement cette forfaiture par le vernis de légitimité dont il avait besoin aux yeux du monde. Mais il y a quelque chose dont Ouattara ne peut arriver à bout: cette graine de liberté qui germe dans le cœur des Ivoiriens. De quels Ivoiriens parle-t-on? Pas de bien-pensants ou de rentiers du marigot politique. Mais de tous ces anonymes dans les villes et villages les plus reculés qui ont compris que leur bien-être social dépend non pas d’un mot d’ordre d’une Direction de parti mais de leur travail personnel pour rester digne. Mieux , je parle de ces Ivoiriens unis, pour une fois, par l’ambition collective de se défaire des oripeaux d’un paradigme de gouvernance extravertie et sous haute surveillance gauloise. Ouattara n’a pas vaincu cette graine. Il n’a pas vaincu le peuple ivoirien.
« En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses. » Cette formule de Toussaint Louverture est d’une résonnance actuelle réconfortante.
Bien sûr qu’on n’arrive pas à bout des desseins de répression systématique d’un tchapalocrate par de belles envolées lyriques ou des formules philosophiques percutantes. Ce langage, il ne le connaît pas. Pourtant la flamme de tous ceux qui aspirent à un changement profond de paradigme dans la construction de la nation ivoirienne, 60 ans après l’indépendance formelle, est intacte . J’y crois fermement surtout qu’on ne peut pas dire que l’échiquier politique ne bouge pas. La publication par la Commission électorale des candidatures retenues pour les législatives et la rentrée politique du parti de Charles Blé Goudé ont marqué ce dernier dimanche de janvier. Le deuxième fait m’a intéressé.
Tentation d’embrigadement, de personnalisation et de patrimonialisation du pouvoir
Le COJEP de Charles Blé Goudé et GPS de Guillaume Soro semblent se démarquer de la foire partisane que les Ivoiriens observent depuis le début de l’année. C’est de bon augure. La fausse note que je perçois chez ces jeunes formations politiques dans leur volonté de se distinguer dans la grisaille nauséeuse de l’arène politique ivoirienne est liée à la confection de gadgets à l’effigie de leurs leaders. C’est peut-être un fait anodin imputable au zèle des comités d’organisation qui veulent plaire à leurs champions. Mais cela n’est pas sans rappeler la tentation vorace de la personnalisation du pouvoir si fatale au système partisan dont le caractère sclérosé enfonce la démocratie dans la boue de l’immobilisme.
La fameuse « Nouvelle génération » va-t-elle faire pire que ses devanciers? Si elle fait montre d’ingéniosité dans sa communication politique, elle n’est pas entièrement débarrassée des réflexes qu’on a reprochés à l’ancienne. Mais le COJEP et GPS ont le mérite d’envoyer un message clair au marigot politique ivoirien.
Au microcosme de la gauche historique ivoirienne qui caresse l’espoir de revenir aux manettes de l’Etat ivoirien, il faudra rappeler qu’on ne peut pas embrigader la volonté d’autodétermination d’un peuple dans des consignes d’appareil. Les citoyens qu’on a gouvernés en 2000 ne sont peut-être plus ceux à qui on s’adresse en 2020. La légitimité historique ne suffira pas à faire entrer la Côte d’Ivoire dans sa volonté d’affirmer sa souveraineté. D’ailleurs, un seul parti ne peut pas s’arroger cette volonté d’autodétermination. Il s’agit d’une ambition collective où jouer pro domo ne fera pas avancer la cause. L’avenir de ce pays sera l’affaire d’une race nouvelle de citoyens attachés à une ambition collective: celle de bâtir une nation avec des valeurs de probité. Aucun agenda opaque ne pourra embrigader cette dynamique.
ça va se faire !