A part la consécration internationale d’une carrière personnelle, quel intérêt peut revêtir l’élection du nouveau procureur général de la juridiction pénale permanente? A mes yeux, aucun ! Surtout si le Britannique Karim Khan décide de suivre à la lettre la politique générale de poursuites héritée de la Gambienne Fatou Bensouda qui elle même la doit au sulfureux Argentin Moreno Ocampo ! Pur produit du système common law, il a neuf années pour imprimer sa marque à l’institution.
Un lourd passif
Il est possible de redorer le blason de la jeune juridiction internationale dont les balbutiements procéduraux et jurisprudentiels ont marqué la chronique depuis 2002, date d’entrée en vigueur du Statut de Rome qui l’institue. Les choix stratégiques de Bensouda ont été contre-productifs en tout cas pour la Côte d’Ivoire, l’exemple que je connais le mieux. Le choix de quatre faits tirés de la crise postélectorale de 2010-2011 pour bâtir la charpente de l’accusation dans l’affaire Laurent Gbagbo/Charles Blé Goudé n’a pas été judicieux. La séquentialisation et la partialité des poursuites dans laquelle s’est enfermé le Bureau du procureur pour établir l’existence d’un prétendu plan commun matérialisant l’intention criminelle du régime d’Abidjan d’alors a été un mauvais choix. A l’arrivée, la démonstration d’une chaîne de commandement criminelle à laquelle auraient participé les accusés a été une fable. Les moyens de preuve retenus par Bensouda n’étaient pas à la hauteur des enjeux de ce procès-fleuve. La procureure avait annoncé 5000 éléments de preuves étayées par plus de 500heures de vidéos, 138 témoins pour au final se retrouver à une cinquantaine qui ont le plus souvent déconstruit son propre raisonnement.
Tant d’affaires à élucider
Aussi légitime qu’elle puisse paraître, l’ambition d’un procureur de la CPI est tributaire du bon vouloir des Etats. La CPI n’a pas de police. Elle doit compter sur la coopération des Etats. En la matière, la coopération entre la Côte d’Ivoire et la CPI est grippée. A l’origine, le cas Simone Gbagbo du nom de l’ex-première dame ivoirienne que la Côte d’Ivoire a refusé de transférer à La Haye. Le tango du désamour entre l’Etat de Côte d’Ivoire et la CPI n’a pas livré son épilogue. Mais pour le moment, plus aucun Ivoirien n’ira à la CPI ! Alassane Ouattara l’a martelé à plusieurs reprises Ouattara. Pourtant dans la marre de l’impunité ivoirienne, il y a matière à fouiller. Des faits entrent parfaitement dans le champ de la compétence matérielle de la CPI. La soixantaine de gendarmes du 3è bataillon d’infanterie de Bouaké désarmés et tués avec certains membres de leurs familles en 2002 par la rébellion, le bombardement de civils à Monoko Zohi par l’armée ivoirienne et les charniers en rapport avec cet acte d’hostilité en 2002, les combattants désarmés d’une faction de la rébellion et tués par suffocation dans un conteneur en 2004 à Korhogo, l’enrôlement d’enfants soldats, les massacres de Duékoué en mars et avril 2011 perpétrés par les FRCI avec l’appui du chef de guerre burkinabé Amadé Ouérémi. Il faut juste une volonté politique aseptisée d’agendas politiques occultes. Facile à écrire, très complexe à appliquer.
Le procureur Karim Khan pourrait être un brin provocateur, en demandant aux juges de la Cour la levée des scellés des mandat d’arrêts qui dans le secret des instructions attendent certains chefs de guerre proches de Ouattara. L’équilibrage tant souhaité des poursuites judiciaires internationales depuis la fin de la crise post-électorale pourrait être un signal fort donné par la gouvernance du nouveau procureur.
Au pied du mur lézardé de la justice internationale, on attend le maçon Khan.