Ce jour-là

Au Bénin, ce 6 avril 2016, la première fortune du pays prête serment pour son premier mandat présidentiel, après avoir battu Lionel Zinsou fait six mois plus tôt Premier ministre par le président sortant Boni Yayi avec l’accord tacite de Hollande. « Le laboratoire de la démocratie africaine » fait rêver. Ses alternances sans violence, fruit de son inspirante Conférence nationale des forces vives de février 1990, ont refermé la parenthèse marxiste-léniniste sous Mathieu Kérékou. Pourtant son système partisan vu à la loupe montre des carences congénitales qui favorisent le pourrissement d’une classe politique rentière habituée aux transhumances spectaculaires. C’est contre cette « démocratie nescafé » – formule de Boni Yayi – que Patrice Talon veut dès les premiers mois de son pouvoir s’attaquer par des réformes hardies; ça coince. Le nouveau locataire de la Marina n’arrive pas à faire passer sa proposition d’un mandat présidentiel unique de 7 ans.

Le virage autoritaire de celui qu’on appelait « la télécommande de Paris » pour son rôle de financier des politiques béninois est acté. Talon s’attaque à des monopoles économiques – système monopolistique qui a lui-même fait sa fortune dans le coton – à l’origine de la richesse de plusieurs têtes couronnées des affaires dont Sébastien Ajavon, celui qui l’a fait roi au second tour en 2016. Fouetté dans son orgueil, Talon en impose, à la manière d’un patron d’entreprise. Froid, pragmatique, obsédé par la gestion axée sur le résultat. De nombreux opposants prennent la route de l’exil face au rouleau compresseur de la majorité présidentielle: Komi Koutché, Léhady Soglo, Atao Hinouho, Sébastien Ajavon. Le professeur de droit public, Joel Aïvo, candidat à la présidentielle de 2021 et Reckya Madougou, ancienne ministre de la microfinance et égérie de l’autonomisation de la femme béninoise, croupissent encore en prison. A côté de ce bilan peu élogieux des libertés publiques et individuelles, Patrice Talon fait montre de qualités managériales appréciables qui donnent un air de renouveau infrastructurel et économique au pays. Mais à quel prix ?

Ils sont nombreux les analystes politiques qui exaltent les performances du Rwanda de Paul Kagame sans s’attarder sur l’état des libertés de peur de s’attirer les foudres du puissant lobby rwandais. Dans le cas du Bénin, les choses sont différentes. Talon est sorti du monde des affaires, Kagame de celui du renseignement. Le Bénin n’est pas sorti d’un génocide comme le Rwanda même si les pages du marxisme-léninisme se sont écrites de sang. En sept ans, « le compétiteur-né » a alterné le chaud, le froid et le glacial. Talon, chance ou déception pour le Bénin? C’est aux Béninois et Béninoises de se prononcer. Le pays de Gbéhanzin livre une constante: aucune majorité présidentielle n’a réussi à survivre après le départ du président sortant. 

Zran Fidèle GOULYZIA

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Docteur en Droit international - Ecrivain - Journaliste