Le 12 décembre 2016 à Abu Dhabi, j’ai découvert une intellectuelle de haut rang, première femme présidente de parlement dans le monde arabe: le Docteur Amal Al Quabaisi. Je couvrais pour le média qui m’employait le 11è sommet mondial des femmes présidentes de parlement qui réunissait aux Emirats arabes unis plus d’une trentaine de dirigeantes. La présidente du Conseil national fédéral des Émirats avait lancé cette formule mémorable à la tribune du Sommet : “Façonner l’avenir n’est pas un luxe, mais c’est le seul choix que nous avons”. Raffinement intellectuel autour des questions de genre, de démocratie, de paix et de développement durable !

Fouler cette terre de la péninsule arabique, désert sans intérêt un demi-siècle en arrière, a été un enseignement. Regarder l’autre avec des lunettes sorties d’un prêt-à-porter civilisationnel est un biais rédhibitoire à l’horizontalité des Cultures. La démocratie libérale telle que vendue n’est pas un dogme universel. C’est une vision du monde. Ce qui est universel, c’est le désir profond de liberté inscrit en chaque être humain. Dans tout système politique, il existe des forces progressistes qui luttent pour repousser les frontières des idées liberticides. Ces forces n’attendent pas d’être portées en triomphe par un regard occidental pour faire ce qui convient pour leurs communautés. Elles y travaillent sans relâche pour elles-mêmes et par elles-mêmes contre toutes les pesanteurs sociologiques que cet engagement peut comporter.

J’ai découvert une terre d’apparence occidentalisée mais qui garde ses fondements sociologiques et un modèle politique propre à lui. L’argent du pétrole fait (presque) tout. Il met à vos pieds l’arrogance des grands. Abu Dhabi est un ancien désert qui en impose et à qui on ne saurait imposer un agenda sorti d’éminences grises de l’ombre.

J’ai mieux saisi l’hypocrisie de l’élite occidentale. Prête à stigmatiser des communautés entières sur leur apparence pour « protéger un modèle civilisationnel », tout en ne se privant pas de l »accès à l’argent du pétrole pour maintenir un certain confort civilisationnel. J’ai mieux compris l’instrumentalisation du débat public dans certains pays quand il s’agit d’agiter le fanion de la menace communautariste et sectaire alors qu’il n’y a pas plus sectaire et communautariste qu’un expatrié occidental en terre étrangère. La guerre des civilisations n’a lieu que dans la tête de ceux qui ont inventé et hiérarchiser la notion de race.

Ramenée à ma réalité d’Africain en quête de liberté vraie, cette découverte m’a inspiré une seule idée: la puissance respecte la puissance. Et c’est ce désir de puissance sans interférence qui manque aux Africains qui ont pourtant le bon diagnostic de leur situation depuis plus d’un demi-siècle, au moment où Abu Dhabi n’était qu’une vue de l’esprit.

Zran Fidèle GOULYZIA

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Docteur en Droit international - Ecrivain - Journaliste