» Jusqu’où iront ces putschistes sahéliens ? » Réaction stéréotypée d’un intellectuel francophone dimanche soir au retrait annoncé du Burkina, du Mali et du Niger de la CEDEAO. « Un coup d’éclat qui va inutilement peser sur les populations. Un référendum aurait fait l’affaire. Et d’ailleurs, ce n’est pas le rôle d’une transition d’engager une telle orientation ».
Ce formalisme hypocrite ne rencontre pas mon assentiment. Tout est dans l’effectivité du pouvoir, le reste n’est que maquillage ! C’est un criterium du droit international dont on peut débattre pour émerveiller des étudiants en amphi de droit ou sur un plateau télé. Le même intellectuel fasciné par la figure tutélaire du général de Gaulle, héros de la France libre, est sans concession pour des soudards tropicaux. Donner un blanc-seing à des militaires serait une erreur. On n’est jamais loin de la personnalisation du pouvoir.
Mais qui aurait pensé que des militaires dénonceraient une convention fiscale de non double imposition en vigueur depuis 1967 permettant aux entreprises françaises implantées au Faso de ne payer leurs impôts qu’en France sur le fondement d’une réciprocité lunaire donnant les mêmes avantages aux entreprises burkinabè en Hexagone ? Des militaires maliens disant non à l’imperium français de Barkhane et à son doublon suspect incarné par la Minusma. Qui l’aurait cru ? Mieux, le Mali disant non à l’Algérie, puissance régionale incontournable, dont les récentes prises de position contrastent avec sa doctrine de fermeté vis-à-vis du terrorisme qu’elle a méthodiquement éradiqué lors de la décennie insurrectionnelle du FIS ou lors de la prise d’otages d’In Amenas en janvier 2013. Impensable !
La CEDEAO a démontré un degré d’intégration admirable sur le continent. Aujourd’hui, elle est minée par l’offensive géostratégique de l’OTAN qui tente un encerclement opérationnel du Sahel et du Golfe de Guinée. La monnaie unique de la CEDEAO a été court-circuitée par un effet d’annonce surréaliste de Bruno Lemaire sur la fin du CFA en décembre 2019. Le Ghana et le Nigeria qui faisaient figure de trublions anglophones sont devenus aphones. Depuis le retour du FMI dans les finances publiques ghanéennes, Nana Akufo Addo ne jure que par son amitié surfaite avec Macron pour s’éloigner de la menace structurelle d’un défaut de paiement. L’activisme de Tinubu cache des casseroles personnelles que l’Aigle américain brandit contre sa carrière politique.
Une nouvelle architecture de sécurité collective réactive est en marche. Elle va éroder une autre inféodée qui ruse avec ses propres principes et vivote dans une vassalité consentie. La belligérance artificiellement imposée, l’usure des contre-mesures inhumaines, la variable d’un changement de régime pro-OTAN sur laquelle travaillent le monde du renseignement et les appendices de think tanks grassement financés à produire des notes stratégiques orientées resteront vaines. Cette décennie va trancher ! A chacun ses convictions !