Une pensée pour le peuple sénégalais en lutte
J’ai retrouvé ce cliché pris en août 2005 à Dakar. Il y a 19 ans alors que je préparais le DEA en Droit international (actuel Master 2 dans le système LMD), je faisais partie de l’équipe ivoirienne vainqueur du premier concours régional de plaidoirie en DIH organisé par le CICR et réunissant une dizaine d’universités francophones avec comme président du jury Me Sidiki Kaba. Recevoir les félicitations de l’éminent juriste (sur la photo) était le graal pour tout apprenti juriste. Admis au barreau de Dakar l’année de ma naissance 😉 (1980), le président d’honneur de la FIDH a été de tous les combats des droits humains.
Depuis 2013, Me Sidiki Kaba a servi à trois ministères de souveraineté (Justice, Affaires étrangères et Défense) avant de se voir confier le ministère de l’Intérieur depuis octobre dernier. Que doit-il se passer dans la tête du défenseur des droits humains au moment où ses compatriotes (dont certains pourraient être ses petits-fils et petites-filles) disent non à la rupture institutionnelle qu’introduit ce report de la présidentielle ? Que fait encore cet éminent juriste dans ce gouvernement ?
Il paraît qu’on ne démissionne pas à un poste aussi stratégique que celui de l’Intérieur. Votre propre intégrité physique peut être en jeu car votre démission pourrait être perçue comme une déstabilisation du chef. La gestion du pouvoir a une dose d’irrationnalité. Beaucoup d’intellectuels ont failli à cette épreuve. Les juristes jouent un rôle ingrat. Ils doivent trouver dans le silence, l’imprécision des textes, leur interprétation extensive, la justification des faits du prince. En janvier 2003, le constitutionnaliste français Pierre Mazeaud – j’ai décidé qu’il ne figurerait plus dans aucune de mes bibliographies – avait été appelé à la rescousse par son ami Chirac pour dépouiller Laurent Gbagbo, en taillant sur mesure un statut de Premier ministre aux pleins pouvoirs issu d’un accord politique, au mépris d’une Constitution ivoirienne de type présidentialiste.
Que nous réserve cette semaine au moment où la coupure d’Internet est actée, au mépris d’une jurisprudence de la Cour de justice de la CEDEAO condamnant le Togo lors des manifestations de l’opposition en 2017 ? La CEDEAO? on s’en fout quand ça ne nous arrange pas ! Personne n’est dupe. Tous les arguments égrenés par Sall sont d’une vacuité risible. Ce n’est pas le report de l’élection qui est le drame. Toutes les constitutions au monde prévoient des situations de non tenue d’élection. C’est le plan de confiscation du pouvoir par un clan qui est scandaleux.
En l’état actuel, la coalition de Macky n’est pas sûre de remporter la présidentielle. Et elle ne peut se payer le luxe de laisser ce fleuron français entre les mains de quelqu’un que Paris ne contrôle pas. Ce qui se joue au Sénégal n’est pas une simple alternance. C’est un changement de système. Honneur doit rester au peuple sénégalais souverain !