Il y a huit jours, j’ai rencontré l’ancien maire de Cotonou Léhady Vinagnon Soglo au Salon du livre africain de Paris. En exil en France depuis 2017, le politique béninois de 63 ans n’a rien perdu de son élégance et sa verve oratoire. En général, loin de leurs bastions tropicaux, les politiques africains sont accessibles. En compagnie de trois camarades de plume béninois, nous avons passé en revue l’actualité béninoise et africaine. Je lui ai ouvertement exprimé mes réserves vis-à-vis du système partisan ainsi que de l’héritage du patronyme.
Quand j’arrivais en janvier 2010 au Bénin en tant que reporter, je voulais découvrir « le quartier latin de l’Afrique », le « laboratoire de la démocratie africaine » vanté pour ses alternances pacifiques. Constat mitigé pour l’I-VOI-RIEN après trois ans passés au pays de Gbéhanzin. Nicéphore Soglo, premier président du renouveau démocratique au terme de la mémorable Conférence nationale des forces vives, est resté un président incompris. La fronde menée par un certain Albert Tévoédjéré a ramené au pouvoir en 1996 le caméléon, marxiste-léniniste pénitent, Kérékou.
Ce laboratoire de la démocratie se nourrissait de transhumances et de mots d’ordre opportuniste et régionaliste d’une caste politique qui s’enrichissait à chaque mandat et faisait de nouveaux riches pour une population de plus en plus pauvre. Sur ce diagnostic, on ne peut rien reprocher au président actuel Patrice Talon. Il a vu juste. Mais la manière n’y est pas surtout que son ego a été secoué quand la réforme sur le mandat unique lui a été refusé.
Je l’ai réaffirmé à Léhady Soglo : le patronyme ne suffit plus pour faire de la politique. Une nouvelle génération qui germait en silence, que personne n’a vu venir, une génération moquée au départ pour ses idées antisystème est en train de déjouer tous les pronostics. Le Sénégal en est un exemple.
Sur le cas sénégalais, Lehady Soglo a confié que c’est l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall qui lui a présenté la première fois Sonko au moment où il démissionnait de la fonction publique pour créer son parti. Il reconnaît que ce qui a manqué à lui et à son homologue sénégalais, c’est ce corps à corps authentique avec la jeunesse que Sonko a réussi en 10 ans.
Au moment où un jeune de 44 ans, juriste de formation, en prison dix jours en arrière ( je suis juriste et j’ai 44 ans le mois prochain on ne sait jamais ) accède à la magistrature suprême, une leçon de vie et de résilience s’impose à tous. De l’anonymat le plus total à la lumière la plus vive, rien n’est fini quand ce n’est pas fini.
Le Sénégal connaît déjà l’alternance pacifique. Mais l’alternance qu’elle vit est bien différente. Elle porte un projet de rupture structurelle plébiscité par la jeunesse. Elle aura en face un système partisan coriace. Le plus dur commence. Mais l’intelligence stratégique de cette nouvelle génération de dirigeants n’a pas livré tous ses secrets. Bon vent à la démocratie des peuples !