Un éclair dans le ciel ndjamenois. Le gouvernement tchadien a annoncé jeudi la fin de l’accord de défense avec la France. Le communiqué signé du porte-parole du gouvernement évoque « un tournant historique », avec cette phrase forte: « il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de redéfinir ses partenariats stratégiques ». Le Tchad ne ferme pas la porte à une coopération avec la France dans d’autres domaines. Celle dans le domaine de la défense prend fin.
C’est une information qui a dû faire marrer les tenants d’une idée fantasmée de l’Empire français. Le Tchad est le terrain de jeu opérationnel de la France dans le Sahel depuis près d’un siècle. « La France ne peut pas se permettre de perdre le Tchad. Hors de question », postulat partagé sous cape.
On a été habitué au dépit amoureux du père Deby contre la France à travers des sorties médiatiques millimétrées. Cette fois-ci, le fils, plus taiseux, est allé plus loin. Il a sorti un joker stratégique, six mois après sa victoire sans suspense à la présidentielle de mai dernier. Volonté de rupture systémique ou coup de bluff pour s’attirer les faveurs d’une large opinion nationale et farafinoise ? Une chose est certaine, impossible, au Sahel, de se payer le luxe d’être neutre ou de jouer sur deux tableaux stratégiques.
On peut remarquer que l’expression « avec effet immédiat » – beaucoup plus politique que juridique – employée dans les cas malien, burkinabé ou nigérien, ne le sont pas dans le communiqué tchadien. Le retrait militaire français du Tchad prendra du temps. Le dispositif français y est lourd. Pour retarder l’échéance, Paris ne peut se cacher derrière l’argument du défaut de légitimité des autorités tchadiennes, comme on a pu le constater dans les cas des pays de l’AES.
On est esclave à vie de qui nous installe au pouvoir. Tombalbaye, Weddeye, Habré, Déby ne sont plus vivants pour le témoigner. Ceux qui ont adoubé le fils Deby, dans une scène à la lisière de l’ubuesque, détiennent encore des leviers contre lui. Ceux qui l’ont adoubé hier ont fermé les yeux sur la répression sanglante du 20 octobre 2022 ou l’assassinat en février dernier de l’opposant Yaya Dillo.
Une carte de rechange face au fils Deby ? Le sémillant civil Nasra grillé à moitié qui attend d’être remis en selle par ses parrains ou un profil militaire à préparer dans l’ombre? La gouvernance de Kaka Deby prête elle-même le flanc à la critique, à travers un népotisme congénital au sommet de l’Etat et de ses démembrements.
Pour l’heure, le fils Deby est pragmatique. Il surveille son opposition et sa frontière avec le Soudan. Il y a 35 ans, son père est venu de là pour faire tomber le mal-aimé Habré, avec l’appui des renseignements français qui l’ont escorté jusqu’à N’Djamena. Il a bien conscience du parallélisme des dévolutions du pouvoir en zone sahélienne. Une année 2025 gorgée de rebondissements en perspective.