Je ne sais pas s’il est « sage » d’écrire sur Frat-Mat, quelques semaines avant la parution de mon 3è roman qui revient sur les angles morts de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire, 20 ans après sa création.
La rancune est tenace dans le milieu, et on ne touche pas aux icônes. Il peut être jugé anti-confraternel et d’une outrecuidance mal placée, mais c’est mon ressenti tout simplement et je l’assume ! Comme d’habitude.
Dans mon pays, d’Houphouët à Ouattara en passant par Bédié, Guéï et Gbagbo, je n’ai jamais compris l’idée selon laquelle un brillant journaliste pouvait être un brillant manager. Ce parallélisme fonctionnel me paraît inopérant surtout quand il s’agit de médias de services publics ayant une forte charge symbolique comme Fraternité Matin. Le président Ouattara a quelque peu rompu avec cette pratique en nommant dès son arrivée au pouvoir Ahmadou Bakayoko, bon manager qui n’avait pourtant aucune légitimité à diriger le monde difficile et capricieux des médias.
Cette année, Frat-Mat célèbre ses 60 ans d’existence. Le nouveau directeur général a réuni tous les anciens directeurs pour défricher les grands chantiers du renouveau avec notamment une digitalisation fort appréciable qui donne ses premiers fruits. Ce qui a plombé Frat-Mat, ce n’est pas la qualité des plumes ( même quand elles décident de faire du mercenariait partisan au sein du service public). Ce sont les choix éditoriaux insipides des différents directeurs généraux.
Depuis 2011, Frat-Mat s’est enlisé sous Venance Konan. Autant j’ai une grande admiration pour l’écrivain ( juriste de formation et docteur en Droit comme moi) dont j’ai encore en mémoire les lignes du roman « Prisonnier de la haine », autant j’ai éprouvé ces dernières années de la déception à lire la vacuité de ses éditoriaux indigents d’arguments. En conflit ouvert avec son ancien adjoint, il a été affecté à des fréquences plus paisibles. Venance Konan, excellent journaliste, homme de terrain qui partait là où ses collègues amoureux du costume-cravate refusaient de se » sacrifier ». Cette version de Venance Konan a fait l’unanimité. Pas la version partisane et aveugle qu’on lui connaît aujourd’hui.
Je comprends mieux les critiques acerbes et l’opposition frontale de « l’éternel incompris » du système Honorat de Yédagne que j’avais interviewé à Abidjan en octobre 2013. On doit à de Yédagne la formule iconoclaste » ni neutre, ni partisan » qui a fait le succès du média de service public sous Gbagbo. Honorat de Yédagne a été injustement débarqué de son poste quand il a fallu opérer des arbitrages avec les exigences de la réconciliation nationale. Kébé Yacouba et Jean-Baptiste Akrou ont fait ce qu’ils pouvaient. L’âme de Frat-Mat n’y était plus.
Les belles lettres et la gestion des Hommes sont deux choses bien différentes.