24 janvier 2003
Fin de la table ronde ivoirienne de Linas-Marcoussis
Trois mois après l’éclatement de la rébellion du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), Chirac convoque une réunion politique des forces politiques. Il met en mission son ami constitutionnaliste Pierre Mazeaud. Dessein inavoué: dépouiller de toutes ses prérogatives Gbagbo au profit d’un Premier ministre de consensus devant conduire un gouvernement de réconciliation nationale. Entre-temps, le MPCI et ses mouvements satellites sont rebaptisés » Forces Nouvelles », une ingénieuse dénomination qui n’est pas étrangère à l’influence de de Villepin. Yao Paul N’Dré alors ministre de l’Intérieur apparait à la Télévision nationale pour affirmer la primauté de la Constitution ivoirienne sur un accord politique.
Je me souviens de cette période de ma vie d’étudiant. Les débats étaient houleux en amphi. D’abord ce gouvernement de réconciliation nationale. Un fourre-tout indigeste, porte ouverte à la médiocrité et à l’inversion de l’échelle des valeurs. Ensuite, l’écart abyssal entre ce que le Droit dit et la pratique politique.
Quand je vois un juriste défendre une position politique, un changement de constitution, je ne lui en veux plus. Il tient un rôle ingrat. A l’époque, j’avais décidé de bannir de mes lectures et de ma bibliographie Pierre Mazeaud. Dépit d’apprenant, geste militant ou les deux. Peut-être. J’ai continué à avoir de l’admiration pour Yao Paul N’Dré qui a été mon professeur de droit des organisations internationales en maîtrise de droit public, option carrière internationale (voir photo ). Les cours de Paul N’Dré étaient des moments uniques de brainstorming. Très généreux, il n’hésitait pas à distribuer de petites coupures aux étudiants qui répondaient aux questions en cours. Je me souviens avoir reçu de lui des billets craquants de 500 CFA, une précieuse manne pour l’étudiant de Yopougon qui devait rentrer le soir, après avoir usé de ses coudes dans le 85.
Et puis, il y a eu la crise post-électorale, épilogue d’une guerre d’usure. En 2009, Yao Paul N’Dré est nommé au Conseil constitutionnel. Deux décisions très discutables juridiquement ont marqué sa présidence. Celle proclamant Gbagbo vainqueur de la présidentielle de 2010, après l’annulation des voix de son rival dans le Nord. Une annulation pure et simple du scrutin, en raison d’irrégularités substantielles. Voici ce que le Droit autorisait. Facile à dire qu’à faire après coup. Tout était déjà en place pour vitrifier Gbagbo. Et celle à l’occasion de l’investiture de Ouattara. L’internationaliste postule alors la supériorité des résolutions onusiennes et des décisions de l’Union africaine sur un arrêt du Conseil constitutionnel, juge primaire et indépassable du contentieux de la présidentielle.
Que retenir ? Qu’un juriste est programmé pour retomber toujours sur ses pattes. Les politiciens ivoiriens, eux, ont recommencé leurs blablas, à dix mois d’une nouvelle échéance.