« L’entre-soi des élites, une oligarchie suicidaire ». Avec ce pamphlet au vitriol, l’enseignant chercheur français, Maurice Bernard, s’attaquait, il y a quelques années, à cette reproduction mécanique d’élites pensées et modelées pour gouverner la France, par cercles concentriques de générations et de promotions.Il s’agit d’une thèse qui rencontre mes positions anti-élite et anti-média de citoyen libre. C’est la réflexion que m’inspire aussi le débat amusant entre deux jeunes valeureux universitaires qui fait frémir la toile ivoirienne. A coups de ripostes tranchantes, ils s’empoignent sur l’état de l’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire.

Du fétichisme du titre universitaire au maraboutisme intellectuel

Ils sont nombreux ces intellectuels qui ne jurent que par leurs titres universitaires mais qui souffrent secrètement d’un nanisme intellectuel en dehors de ce qu’ils appellent « spécialité ». A cette catégorie, la démocratisation du savoir et de la parole arrachera le peu dont elle nous gargarise. Cet élitisme dans le débat public est en train de se réduire comme peau de chagrin. Dépossédés de la légitimité et de l’exclusivité de la prise de parole, les « sachants » vivent mal cet éparpillement du magistère qui déshabille la fétichisation du savoir qu’ils avaient entretenu avec ruse. Sous les tropiques, la transmission du savoir entre maîtres et disciples reste encore entourée d’ésotérisme.

Université de Bourgogne, Dijon, avril 2019


Dans la tête de nombreux intellectuels de la sphère francophone, le titre universitaire serait une fin en soi, l’ultime critérium qui qualifie ou disqualifie, légitime ou délégitimer la réflexion sur des questions qui concernent la vie de la cité. Leurs titres universitaires acquis de haute lutte leur donnent la légitimité absolue d’opiner et de distribuer des bons ou mauvais points dans tout débat d’idées entre universitaires ou entre citoyens libres. La condescendance devient la chose la mieux partagée, là où le titre s’affirme en valeur absolue de légitimité. Les échanges virulents entre universitaires ne sont pas nouveaux. Ils participent au jaillissement de la flamme de la vérité. Mais si le débat vire à l’étalage ostentatoire de savoirs livresques, il perd de son intérêt. Ici, l’enjeu, c’est comment transformer tous ces savoirs fièrement acquis en source de transformation dans le quotidien. A moins que je ne me trompe sur le rôle de la « fameuse élite », 60 ans après ces indépendances formelles.

L’autodétermination du continent est tout autre chose

Je continue de plaindre tous ces étudiants ivoiriens en droit obligés de maîtriser les rouages de la Constitution française du 4 octobre 1958, là où leurs homologues de Lyon, de Paris, Lille ou Strasbourg ne savent même pas placer la Côte d’Ivoire sur une carte. L’autodétermination de ce continent ne se construira pas à doses concentrées et acérées de punchlines. Pour paraphraser un activiste bien connu sur le continent africain, les peuples opprimés feront par eux-mêmes ce que leurs élites n’ont pas pu faire. Merci pour vos masters, vos doctorats et vos agrégations. Sortis le plus souvent de milieux modestes, vous vous êtes distingués au milieu de votre génération. Vous avez prouvé à ceux qui ne croyaient pas en vous que vous aviez des potentialités intrinsèques. C’est tout à votre honneur ! Bravo pour cette réalisation de soi; à présent, allons à la réalisation commune . Et dans cette perspective, les seules valeurs qui vaillent d’être brandies sont l’audace et le pragmatisme de la compétence et non la présomption simple d’instruction.

Zran Fidèle GOULYZIA

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Docteur en Droit international - Ecrivain - Journaliste

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