Même dans ses projections les plus optimistes, l’Aigle savait (sait) le temps de son hégémonie compté. Le bellicisme ambiant n’a rien de fortuit : ouvrir avec ses faibles alliés atlantistes de nouveaux fronts pour retarder l’échéance. Peine perdue ! Le monde multipolaire est déjà là, plus prégnant que jamais.
À propos des projections le plus souvent très sérieuses de la communauté du renseignement, elles ramènent au vieux débat d’école Hegel/ Marx sur le moteur de l’Histoire que se disputent les idées et les faits.
D’un côté, des éditorialistes et des chroniqueurs méprisants, des journalistes barbouzes, des universitaires et pré-universitaires qui pensent avoir été coopté sur la prochaine liste de ceux qui vont diriger le monde, des écrivains et porteurs de mallettes médiatiques qui dans leur bulle de prétention croient savoir comment tourne le monde à coups de punchlines ou en se gargarisant d’une érudition livresque.
De l’autre, des soldats, des gens du renseignement, des diplomates, des hommes de mission et de terrain qui tiennent un rôle ingrat. Dans le feu de l’action ou dans l’ombre, ils ont une tout autre version de ce qui est commenté par des gens qui ne parlent que pour eux . Les premiers répètent des versions qu’on a bien voulu distiller pour faire politiquement correct. Les seconds gardent pour eux souvent jusqu’à leur mort la véritable version des faits.
Marcher dans le sens de l’Histoire est un choix. Les couloirs entre les deux catégories ne sont pas séparés par des cloisons étanches. Accepter et diffuser le mensonge ou garder la vérité pour soi ? Ce n’est pas une affaire de « carrière » mais de dignité.