Ce jour-là
7 décembre 1993
Annonce de la mort de Félix Houphouët Boigny

Il y a trente ans, j’étais élève en 4è au Collège moderne d’Odienné (nord-ouest ivoirien). J’avais 13 ans. J’ai appris comme tout Ivoirien ordinaire le décès d’Houphouët annoncé à la mi-journée par son unique Premier ministre Alassane Ouattara. Que retenir de l’homme ? Bâtisseur incontestable, figure tutélaire de la Côte d’Ivoire moderne préférant le pragmatisme à l’enfermement idéologique. Oui. Agent français docile à la tête de la Côte d’Ivoire ou fin stratège de pure race ? Chacun peut se faire sa propre idée.

La grandeur d’une Nation se mesure à l’aune de sa capacité à garder jalousement au panthéon de la mémoire collective ses icônes, sans basculer dans l’idolâtrie surfaite.

Du premier président ivoirien je préfère retenir le stratège du Syndicat agricole africain, auteur du miracle ivoirien, visionnaire et homme d’ouverture. Contre l’avis de ses pairs africains, il avait ouvert le dialogue avec le gouvernement ségrégationniste sud-africain. Il a été pionnier de l’influence israélienne en Afrique de l’ouest au moment où la cause palestinienne tenait à cœur aux Africains sortis fraîchement du processus d’autodétermination.

Dans les faits, la part d’ombre de l’homme agite des fantômes.
D’abord cette guerre du pétrole au Biafra où Paris a convaincu Abidjan et Libreville d’être le réceptacle des armes et de l’aide humanitaire en direction de la région insurgée Igbo. Les réseaux Foccart étaient bien installés au Palais présidentiel ivoirien avec l’influent directeur de cabinet Guy Nairay entouré de la garde blanche des services secrets (Raymond Bichelot, Gildas Lebeurrier de la SDECE, ancêtre de la DGSE ). On sait aujourd’hui que la formule d’un « génocide biafrais » parue au journal « Le Monde » puis distillée dans le microcosme médiatique parisien était une trouvaille des services secrets pour gagner la bataille de l’opinion et que le sans-frontiérisme de Bernard Kouchner n’avait rien de spontané et de candide. Au final, un million de morts en trois ans pour rien. On peut citer le massacre des Guébié dans le centre-ouest, les faux complots et celui retentissant contre l’impertinent voisin Sankara, le soutien aux rebelles angolais Jonas Savimbi et libérien Charles Taylor.

Les adolescents de 1993 ont grandi et aspirent à une autodétermination vraie. Un principe universel qu’ils ont étudié dans les mêmes universités que les enfants de ceux qui reproduisent mécaniquement plus d’un siècle de verticalité pesante. Dans moins de 24 mois, les Ivoiriens ont rendez-vous aux urnes pour élire leur président. Pour moi, avec le décès d’Henri Konan Bédié en août dernier, une saison s’est achevée. Celle de la guerre de succession d’Houphouët. Qu’il sorte du sérail technocratique ou du printemps du syndicalisme, le prochain président sera d’une autre génération. Je souhaite qu’il incarne dans les actes une rupture méthodique et structurée avec tout imperium extérieur .

Zran Fidèle GOULYZIA

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Docteur en Droit international - Ecrivain - Journaliste