Les Tchadiens étaient appelés dimanche à voter une nouvelle constitution. Le « oui » devrait l’emporter sans surprise dans cet exercice de formalisme insipide auquel les démocraties du pré carré gaulois ont habitué leurs citoyens. L’enjeu, c’est la légitimation froide du nouveau visage de la dynastie Déby. Drôle d’équilibrisme de la part du régime français qui sait adouber de la main gauche, non sans hypocrisie, les plus dociles des militaires et torpiller du poing gauche ceux qui lui disent NON avec méthode, stratégie et résilience.
Pousser des cris d’orfraie contre l’imperium gaulois est un exercice stérile. Il fait semblant d’écouter mais ne change pas sa manière de s’asseoir sur les leviers qui fondent son influence africaine. Il sait ruser avec ses propres principes dits universels. Nul n’est fou pour scier la branche sur laquelle il a assis sa domination. La France n’est pas en Afrique pour « promouvoir la démocratie ». Elle le sait elle-même. Ses dirigeants rient sous cape quand ils entendent universitaires, « experts » et autres rentiers du système déblatérer dans les médias. Rien d’étonnant. De l’opération Limousin à Barkhane en passant par Bison, Tacaud, Manta et Epervier, le Tchad est resté le jardin opérationnel de la France au Sahel.
De Tombalbaye à Déby en passant par la parenthèse liberticide de Hissen Habré, tous les tenants du pouvoir ont été d’abord des fabrications françaises avant le dépit amoureux de fin de règne. « Je ne vous apporte ni or ni argent , mais la liberté ». Cette formule a fait du fils de berger Idriss Déby l’homme du 1er décembre 1990. Chaque année, à cette date, le Tchad célèbre la fête de la Liberté. L’Histoire oublie de mentionner que c’est sous escorte des renseignements français que Déby est entré dans Ndjamena quelques jours auparavant. Invité en décembre 2014 par l’ancien Premier ministre Emmanuel Nadingar, j’avais couvert pour le média qui m’employait ce moment fort d’unité nationale. J’ai pu constater l’influence du clan Déby notamment en zone rurale. Le Maréchal Idriss Déby était un allié encombrant qui, dans un exercice calculé d’émancipation de la parole, pouvait dire ses vérités au tuteur français.
Son fils, patron de l’actuelle transition, n’est pas encore à ce niveau. Il cherche à consolider son pouvoir vacillant. Il a même d’autres passions. Refaire sa garde-robe de futur président civil au moyen d’emplettes de luxe à Paris: 915.070 euros pour s’offrir 57 costumes entre 9.000 et 13.000 euros l’unité, 100 chemises à 800 euros, huit abacosts à 8.000 euros, neuf sahariennes à 7.500 euros (Médiapart). On a un aperçu du profil de celui que Macron et Le Drian ont adoubé depuis la mort obscure d’Idriss Déby.
Le sémillant opposant Succès Masra est prévenu. Il se sait dans un marché de dupes avec l’accord politique qui a rendu possible son retour au pays. Il n’est pas naïf. C’est Paris qui décide de qui dirige le pays de Toumaï. Pour l’instant !