Il se passe des choses curieuses dans le Golfe de Guinée et au Sahel. Ceux qui en savent un peu trop préfèrent se taire ou rire à s’étouffer. Des affaires très sensibles, jusque-là réservées aux renseignements militaires et à la diplomatie, sur la place publique. Un changement de méthode dans la parole publique propre à la belligérance d’usure et au harcèlement militaire dans la région.
Hier, dans un discours fleuve, le capitaine Ibrahim Traoré a ouvertement accusé Abidjan et Cotonou de tentatives de déstabilisation du Faso. Wilfried Léandre Houngbédji, porte-parole du gouvernement béninois, parle d’un numéro de « populisme ». J’ai connu Wilfried Léandre, pendant mes trois années au Bénin, quand il était journaliste proche de l’UN (la grande coalition de l’opposition animée par Houngbédji et Amoussou contre Yayi ). Chaque jeudi soir, j’écoutais ses chroniques radio acerbes contre Yayi. Il a gardé les qualités qui ont fait sa renommée. Il est dans son rôle. Mais un rôle ingrat où il doit avaler des couleuvres. Je l’ai vu déployer une énergie monstre pour défaire l’activiste Kémi Séba. Des Africains contre d’autres Africains. Rien de nouveau. Schéma immanent de la prédation.
Pourtant des intelligences extérieures sont à l’œuvre dans le Golfe de Guinée et le Sahel. Y-a-t-il un camp militaire français dans le nord du Bénin ? Non, répondent en chœur officiels béninois et français. La France est entrée dans un lifting de sa doctrine militaire en Afrique qui tranche avec une présence ostentatoire de ses troupes. Des positions opérationnelles avancées, en territoires favorables ? Peut-être ! La dénégation et la minoration toujours de mise jusqu’à des circonstances contraires. Comme l’écrasement d’un hélicoptère de combat à Benghazi en juillet 2016 qui a coûté la vie à trois sous-officiers français. Le pouvoir Hollande s’était fendu d’un communiqué pour anticiper l’avalanche de questions sur cette opération secrète. Le 15 août 2022, le Mali a saisi le Conseil de sécurité pour demander une réunion d’urgence dans ce qu’il considérait comme une violation de son espace aérien par des aéronefs français accusés de larguer armes et munitions à des terroristes. La réunion d’urgence ne s’est jamais tenue et elle ne se tiendra jamais. Dénégation et moqueries !
En Côte d’Ivoire, une visite du secrétaire d’Etat Blinken en janvier dernier aura suffi. Aucun débat dans les deux chambres du parlement sur une éventuelle emprise militaire américaine du domaine public. Des constitutionnalistes « éclairés » évoqueront « un domaine réservé » du chef suprême des armées, dans un régime très présidentialiste. Conséquence, des drones de combat à Odienné ( ville du nord-ouest où j’ai passé dix années de ma vie) vont surveiller allègrement les frontières Mali – Guinée.
Entre CEDEAO et AES, l’épreuve de la vassalité est entamée. Au profit de qui ? Parier sur la direction du vent de l’Histoire n’est pas réservé à une classe d’illuminés ou de barbouzes.