(Wharf de Lomé au Togo, janvier 2015 )
« Je vais aller m’asseoir sur le rebord du monde voir ce que les hommes en ont fait ».Un regard sur notre cheminement existentiel, des paroles de Francis Cabrel qui me parlent. Je suis né en 1980, la génération sacrifiée, celle de la conjoncture chantée par Hilarion Nguema.Les premières années de ma vie, ma mère me mettait au dos dans le pagne du même nom, dans ma ville natale, Man dans l’ouest ivoirien. Ma dernière chaussure « Bata » que mon père instituteur de formation m’a acheté, c’était en 1986 à Odienné. Dix ans durant, j’ai tissé mes plus belles amitiés dans le Kabadougou. Chaque samedi, dans le village de « Gnankafissa », j’aidais mon père dans le champ familial où nous cultivions igname, patate, maïs et arachide.Je cultivais également mon potager pour vendre mes légumes au grand marché de « Sokrouani ». Puis en 1996, j’ai débarqué dans le sud-ouest ivoirien à San Pedro, j’y ai tissé de vraies amitiés. J’y ai obtenu mon Bac littéraire en 1998 avec la mention Bien, avant de moisir deux années durant au campus de Cocody comme trois générations de bacheliers, en raison de deux années blanches.Nous étions à l’époque de la fameuse réforme Wodié et du bouillant secrétaire de l’influente Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire Blé Goudé et du régime finissant du sphinx de Daoukro. Puis en pleine année de licence de droit public, en cité de Vridi, la même Fesci nous annonçait la prise des grandes villes du pays par une rébellion en 2002. Plus d’une décennies de crise avec le tragique dénouement que l’on sait.Mais les comptes sont loin d’être soldés et de nouveaux nuages noirs s’amoncellent dans le ciel de mon pays.Entre une vieille aristocratie locale à l’appétence vorace, une nouvelle aristocratie fougueuse qui s’est bâtie sur les prébendes des marchés publics et le terreau fertile de la partition du pays par les armes et une gauche historique en pleine déconfiture, invectives, déchirements sont les mots les mieux partagés.2020, comme si la vie d’une nation était suspendue à une élection ! Dans ce ping-pong insipide de « pro-pro », Il y a une Côte d’Ivoire laborieuse, celle de l’ombre qui se révélera tôt ou tard.Une autre Côte d’Ivoire est bien possible et les génération sacrifiées de 1980, de 1990 et de 2000 qui n’ont pas pris part au banquet partisan des deniers d’Etat qui vous a engraissé tous, auront leur mot à dire. C’est une affaire de Génération !